Pierre,

Je savais bien que je connaissais cette personne , mais je n'aurais pas pu lui donner un nom, mon père oui très certainement.

D'une génération à l'autre des souvenirs différemment ancrés.

Content de savoir que c'était ton oncle.

Vidéos très émouvantes, oui merci Régine.

Ce que jai pu trainer, errer dans ces ruines (sauf Talborjt) dès la fin du mois de juin à mon retour à Agadir, mes parents y étaient déjà, juste à la fin de la quarantaine.

L'angoise et la peur au ventre, le silence complet. Tout ce qui restait comme bâtiments se ressemblaient, des masses informes, des ferrailles tordues plus rien n'avait de nom.

Je n'avais pas d'appareil photo et n'ai jamais pensé à utiliser celui de mes parents.

Et j'étais aussi aux rendez-vous de la démolition de la ville nouvelle. Dès la fin des cours je m'échappais bien vite du lycée, pour aller voir les grosses machines abattre des pans énormes de murs, des boules gigantesques en fer balancées par des grues contre des immeubles, des immeubles imploser sous l'effet de charges explosives.. .. et cette poussière qui ne semblait jamais vouloir se dissiper comme une dernière résistance...et là avec le recul je me dis que j'aurais dû avoir le réflex appareil photo, mais bon, j'en avais plein les yeux avec les diverses émotions que tout cela pouvait engendrer.

Raymond


tu as vécu des moments très difficiles et douloureux Ramon -étais-tu seul au mois de juin ou avais-tu retrouvé des copains, des amis pour pouvoir partager ta peine, ce cauchemar qui engloutissait tes souvenirs d'enfance et qui a du te poursuivre bien des années plus tard et te poursuit encore n'est-ce pas? Ton récit m'a bouleversé et c'est en voyant la vidéo de Régine (je n'ai jamais eu le courage de la regarder) que j'ai mesuré l'ampleur de la catastrophe et combien mon petit ami d'enfance avait du vivre des moments de terreur et d'horreur ainsi que tous les gadiris-  j'ai eu la chance de ne pas vivre le tdt et de garder intacts mes beaux souvenirs d'enfance- Oh oui c'est une grande chance - je suis très touchée - Je t'envoie de gros bisous
Josette


Bonsoir Josette,

J'ai terminé l'année solaire au lycée Mangin à Marrakech et je suis revenu à Agadir vers le 15 juin.

Mes parents y étaient depuis la fin de la quarantaine.

Il fallait que tout reparte pour l'économie du Souss. Pour mon père c'était la remise en route des glacières du port pour la glace des bateaux de pêche et les chambres froides pour les agrumes des colons.

Inezgane était devenu le centre de vie.

Certaines personnes étaient indispensables même pendant la quarantaine, comme le directeur de la BOMAN, vous connaissez son nom, après avoir été réquisitionné pour les brancards et les cercueils, il a dû inspecter bon nombre de bâtiments voués ou non à la démolition pour voir l'état des huisseries, des encadrements des portes...leurs déplacements condamnaient les immeubles.

Nous avons dormi plus d'1 an et demi sous une tente solide prêtée par l'armée, et ma mère faisait la cuisine dans la maison mais avec la porte grande ouverte, la cuisine donnait dehors.

Nous habitions face au camp Sigman, alors pour mes escapades, en vélo ou à pied j'étais quasiment sur place.

Je me rappelle avoir déménagé des bibelots de l'hôtel Mauritania avec des copains et l'abbé Dargent, à la demande du directeur. Nous n'étions pas fiers, dans ces longs couloirs à moquette rouge, les chambres non rangées, indescriptibles de désordre.

Mon père n'a jamais su, il y a bien d'autres choses qu'il n'a jamais su d'ailleurs !!

Il y avait les copains bien sûr, et pendant quelques années nous avons vécu dans un vrai paradis, plages, pêche, tennis....pour nous seuls.

Gros bisous

Raymond


Merci Ramon pour ton témoignage - J'aime ta dernière phrase quand tu dis " avec les copains, nous avons vécu dans un vrai paradis, plage, pêche, tennis...pour nous seuls". - Tu finis par une note positive  après l'enfer le paradis
Bisous Josette
 

Bonsoir Pierre (PLC),

J'envoie un panoramique, c'est la couverture du livre de Roger Le Toullec, dommage pour les raies blanches.

En 1 c'est le camp Sigman. Un formidable mais éphémère terrain de découvertes après le déblaiement, des caches sous des monticules de terre (munitions ??). Actuel nouveau Talborjdt.

En 2 c'est ma maison. Le camp Sigman était donc juste de l'autre côté de la rue.
En 3 les 2 immeubles de la Marine, voir scan.

Et en 4 j'ai mis la maison de Michel et Joël Coéffic.

Les glacières d'Agadir (ou entrepôts frigorifiques ou frigo) ont été déplacées assez tôt. Elles se trouvaient au-dessus de l'actuelle criée au bout du bâtiment le long du quai des sardiniers pour se retrouver en face, à côté du petit phare, au bout du quai des chalutiers, plus gourmands en glace sûrement.

La BOMAN, en bas des usines du Quartier Industriel à côté de la cave La Cigogne, même rue que le dépot des cars et carrosserie Michel Hayez. Monsieur Joseph Augereau y travaillait.

L'abbé Dargent, moi aussi j'ai eu droit à sa moto BMW ! On allait célébrer la messe à Inezgane Et puis on faisait du judo et des randonnées pédestres dans des coins inoubliables dans le Moyen Atlas.

L'abbé Dargent, l'abbé Garcia, l'abbé  Labruyère, 3 prêtres fantastiques.

L'abbé Dargent a sauvé, entre autres, un bébé en sciant pendant des heures la ferraille de sa prison. Pas de soutane lui, en short sur les ruines et blanc de poussière. A ce militaire qui lui disait qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir d'un curé, il lui répondit : ce n'est pas le curé qui vous parle mais l'officier de réserve que je suis ! Alors vous allez m'obéir !

Il était avec le père de Christine.

L'abbé Labruyère qu'il fallut arrêter de force 48 h après, sans une minute de repos, au bord de l'asphyxie d'avoir tant creusé et soulevé des pierres.

L'abbé Garcia, revenu illico de Marrakech, affreuse tâche d'enterrer les morts à la base, souvent des connaissances.

Pierre tu dis qu'il était nécessaire de faire du tennis etc....

Je vais te dire mieux. Avec mon copain de toujours nous avons fait quelque chose d'inoubliable tant c'était insensé et nous en avons parlé il y a quelques mois soit quasiment 48 ans après : nous avons joué à nous faire des passes de foot sur la route devant chez moi, le matin du séisme. Nous avions certainement besoin d'un exutoire.

Raymond


Merci Ramon pour ton témoignage - J'aime ta dernière phrase quand tu dis " avec les copains, nous avons vécu dans un vrai paradis, plage, pêche, tennis...pour nous seuls". - Tu finis par une note positive  après l'enfer le paradis
Bisous Josette